18/02/2014

De l'horrible danger de la lecture

"A ces causes et autres, pour l'édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s'instruire, nous défendons aux pères et aux mères d'enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à notre ordonnance, nous leur défendons expressément de penser, sous les mêmes peines; enjoignons à tous les vrais croyants de dénoncer à notre officialité‚ quiconque aurait prononcé‚ quatre phrases liées ensemble, desquelles on pourrait inférer un sens clair et net. Ordonnons que dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien, selon l'ancien usage de la Sublime-Porte.[...]
Donné dans notre palais de la stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l'an 1143 de l'hégire."
 (Voltaire, 1765)

11/02/2014

Ariège-Argentine : JAZZ

Décembre 2014
Sujet 8 : JAZZ
Dessin : Olivier Tenedor




A contretemps



Comme un contrebassiste qui jouait au fond du temps

Je chaussais la semaine mes semelles de plomb

Je traînais dans les coins les plus sombres qui soient

Pour faire diversion j'y semais des silences.



Mais les fins de semaine j'étais jazz dans le vent

Comme Boris était swing sifflotant sans raison

Je glissais crescendo vers la joie un deux trois

Et volais des baisers en gardant la cadence.

Ariège-Argentine : L'aveu

Novembre 2013
Sujet 7 : L'aveu
Dessins : Olivier Tenedor




Comment te dire ?
Comment te dire ?
Comment te dire ?
Comment te dire ?
Comment te dire ?
Comment te dire ?
Comment te dire ?

Comment te dire ?
Je vais t'écrire
Rien que des mots
Rien qu'une histoire
C'est pour de faux
Il va pleuvoir

Oui mais couché
Sur le papier
Ça reste là
Comme un outrage
Ne s'efface pas
Pas de mon âge

On se le dit
Se le redit
Sans confident
Ça ne sort pas
C'est en dedans
Que je me noie

Est-il besoin
Nul n'est contraint
De se le dire
Peut-être fatal
Vulgaire empire
Parole fluviale

Si mon cœur tangue
Laisse-le couler
Fébrile aveu
Sèche mes yeux
D'une délivrance
Le ciel est bleu

Sous l'impuissance des mots à le dire
Nos peaux ne sauraient mentir
Et lorsque nos épidermes mesureront
Le bonheur de l'abandon
Je serai bien sûr alors de t'avoir enfin tout dit.

Ariège-Argentine : El embarazo

Octobre 2013
Sujet 6 : El embarazo
Xilografía : Olivier Tenedor




 
El embarazo ou la lourdeur des mots

Quel vilain mot.
Pourquoi ce mot si laid ?
Le français ne s'encombre pas, on est grosse et pis c'est tout ! Le français est très rationnel.
L'espagnol ajoute une nuance. Nous voici donc grosse et embarrassée. Embarrassée parce que grosse, ou embarrassée parce que démultipliée ? Parce qu'il va falloir composer désormais avec quatre bras, quatre jambes, etc. ?
Et pourquoi pas déformation, deformidad ?
Et pourquoi pas un peu de poésie ? Puisque le langage n'est qu'arbitraire, pourquoi avoir choisi des mots aussi triviaux, des mots de positivistes, des mots tristes comme un trader. Le langage est le même pour un banquier et un rêveur. That is the problem.
Un poco de poesia, bordel !


GravidanzaSchwangerschaftpregnancygravidezembarazogrossesse

06/02/2014

Ariège-Argentine : Les pirates

Août 2013
Sujet 4 : Les pirates
Dessin : Olivier Tenedor

– Debout les pantins ! Tous sur le pont ! Et qu'ça cogne !
– A l'attaque ! Droit devant ! Hissez la grand' voile ! Ça va faire mal !
– C'est nous les cowboys de la mer !
– Les vaillants guerriers ! les possédés ! les sataniques de l'immensité !
– Les démoniaques ! C'est nous les pirates !
– La mort est à vos trousses !
– Le drapeau noir est d'sorti, c'est nous que v'là !
– Ohé ! du bateau ! Vous finirez le bec dans l'eau !
– Quand on nous croise, on s'en remet pas, y'a que l'autre con sur sa croix qui n'a pas fini noyé !
– Ah ! Ah ! Ah ! Vous êtes tous morts et personne ne vous retrouvera !
– Le couteau entre les dents les gars !
– Une pâtée pour requins, voilà tout ce que vous méritez !
– Z'allez voir c'que vous z'allez voir !
– Vous en...ten...drez...bien...tôt...tff...tff...Oh ! et puis merde ! A quoi ça sert cette comédie ?
Le capitaine s'était assis sur la dunette, les coudes sur les genoux, les mains sur son front.
– Cap'taine ! C'est pour not' bien, vous avez dit. Pour pas qu'on oublie.
– Bah oui cap'taine, il faut bien qu'on répète, sinon le jour où on verra un vrai vaisseau on saura pas quoi faire. C'est vous qui nous avez dit ça, et nous, on vous croit cap'taine.
– Oui mais je ne suis plus bon à rien, vous feriez mieux de me jeter à l'eau.
– On peut pas faire ça cap'taine, c'est contraire à la dontologie.
– La déontologie, plancton !
– Bah vous voyez, z'avez toujours un truc à nous apprendre, cap'taine.
– Oui enfin, à quoi ça sert la littérature dans une mer en furie ?
– Bah, on est quand même au beau milieu d'un livre, cap'taine.
– Oui et bien justement, si l'auteur veut nous faire mourir, on mourra, répétition générale ou pas.
Cette dernière phrase les avait tous minés. Ils n'y avaient jamais pensé. Les pirates s'étaient épuisés à gueuler ainsi à contre-courant. Le vaisseau n'était qu'un mirage. Ils avaient abusé du rhum arrangé. Cent trente-cinq jours sans voir la terre et sans manger la moindre sardine. Il leur fallu tout de même repêcher le moussaillon qui s'était pris pour Moby Dick. Ils l'ont couché sur le pont, encore tout émoustillé de ces rêves à la con.
Fin de l'histoire.
Hic !

02/02/2014

Ariège-Argentine : Le silence

Juillet 2013
Sujet 3 : Le silence
Dessins : Olivier Tenedor



Le chat de ville et le chat des champs

Le silence m'endort et je ne dors pas
Un brouhaha de tous les diables dans ma tête de carnaval
Le silence m'endort et cette nuit c'est le bruit qui me retient dans une ennuyeuse veille
Dire que j'ai tant sommeil
Le silence m'endort mais là je ne dors pas
C'est la ville qui me traîne dans des nuits sans corneille
C'est assez goûté des festins d'Ortolans sur les tapis d'Ottomans
Demain je m'en retourne aux champs.

Le silence m'effraie et je ne dors pas
Un vide sidéral autour de moi comme un gouffre abyssal
Le silence m'effraie et cette nuit sans fin me retient dans une inquiétante veille
Dire que j'ai tant sommeil
Le silence m'effraie et là je ne dors pas
C'est la campagne qui martèle les heures de ces nuits sans soleil
C'est assez vérifié des douceurs angevines du haut du campanille
Demain je m'en retourne en ville.


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Quand un Breton s'endort, il compte les poissons
                                      L'océan qui l'entoure lui fait une prairie
                                      De milliers d'algues vertes et de raies fleuries
                                      Comptine n'est besoin, lorsqu'on naît moussaillon.

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Le Dormeur de Calvi 

C'est un trou de saumure où danse une galère
Accrochant follement aux algues des haillons
D'argent ; où le soleil, de la Balagne fière,
Luit : c'est le fanal d'un petit moussaillon.

Un marin jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais plancton bleu,
Dort ; il est couché dans le sable, dévêtu,
Pâle dans son lit vert où l'hydrosphère se meut.

Les pieds dans les spongiaires, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les embruns ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dessous la mer, la main sur la poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

(pastiche Le Dorveur du Mal de Armur Thimbaud)




01/02/2014

Ariège-Argentine : Le masque

Juillet 2013
Sujet 2 : Le masque
Dessin : Olivier Tenedor

                                                                                                

                                  La tête du matin ne te convient jamais
                                  Elle trahit une vie de désordres et d'excès
                                  Malgré les divers gribouillages et camouflages
                                  Amassés sur une peau qui ne voit plus le jour
                                  Saisis donc le meilleur de tous les attirails
                                  Qui d'un rien te rendra plus raccord au travail
                                  Uniforme sévère faisant autorité
                                  En tirant la tronche tu paraîtras plus sage